Quiconque pousse un jour la porte de l’école du Chapoly prend très vite conscience de l’importance d’un des moments précieux dans la journée des enfants : le repas de midi.
Temps de partage, de réflexion, de coopération, ce rassemblement quotidien (et obligatoire !) fait vivre de manière concrète toutes ces valeurs. En effet, il est plus facile de faire grandir l’esprit lorsque le corps est bien nourri ! Cette idée ne date pas d’hier, puisque dès le début, à l’ouverture de l’école en 1963, les enfants ont participé à l’élaboration du repas. Petit tour d’horizon autour de l’organisation de ce temps fort dans la vie à l’école des enfants.
Le potager
Lorsqu’on se demande ce que l’on va manger, qu’on s’apprête à mettre la table, voire à cuisiner, se pose la question de savoir d’où viennent les aliments que l’on consomme. Alors que dans les écoles, il est de plus en plus courant ces dernières années de créer un potager, à l’école du Chapoly on n’a pas attendu cette vague verte pour le faire puisque les légumes et aromatiques sont soignés par les enfants depuis la création de l’école (atelier animé et co-géré par des parents qui s’engageaient à l’année).
D’une simple plate-bande au départ, il a gagné en superficie, pour s’étendre aujourd’hui sur plusieurs dizaines de mètres carrés. Il s’est vu agrémenté d’une serre, financée grâce au premier vide grenier organisé par l’école. Aujourd’hui, il est co-géré par Marie-Thé et Bertille, et pour certaines parcelles, par les CM, qui se voient attribués à leur arrivée dans cette classe, une petite parcelle personnelle à cultiver.
Selon les saisons on y trouve une large variété de plantes potagères : au printemps, les tomates, salades, courgettes, concombres et autres cucurbitacées sont semés sous serre avant d’être repiqués, selon les années et les apports. En pleine terre on trouvera des pommes de terre, des radis, des carottes, des aulx et des oignons, tandis qu’à l’automne des épinards occuperont l’espace. Les graines, de variétés anciennes, sont achetées tous les ans lors du salon Primevère.
Dans ce jardin extraordinaire, des fleurs annuelles sont aussi semées, des fraisiers (vivaces) gardent jalousement leurs terres, alors qu’au-dessus s’épanouissent en saison un poirier, un pêcher et un cerisier. Plusieurs variétés de lilas et de rosiers permettent de constituer des bouquets pour les classes à la belle saison.
Les enfants, en fonction des besoins, participent aux travaux, encadrés par Marie-Thé et Bertille. Selon les saisons, les besoins, et les projets d’école en cours, des groupes décloisonnés sont organisés plusieurs fois par semaine pour les ateliers jardin.
Le jardin est surtout un lieu d’expérimentation et d’observation, les quantités ne permettent pas de nourrir tous les enfants, mais goûter, même quelques radis ou fraises, est possible.
Il n’est pas complètement inutile de rappeler les avantages apportés par ce temps hors les murs et mains dans la terre : variété des apprentissages, lien avec la nature et prise de conscience écologique, liaison avec le temps de repas, un des piliers du projet de l’école… Et ce ne sont pas les enfants qui se plaindront de ces après-midis au grand air !
Le compost et la gestion des déchets organiques
À l’école du Chapoly, les repas sont préparés sur place par Marie-Thé accompagnée d’apprentis cuisiniers. Les enfants ont aussi le plaisir de participer à l’entretien et la croissance du potager. Le lien entre les deux est facile à établir : les épluchures et restes de repas n’ont qu’un pas à faire pour venir enrichir les plantes potagères !
Dans la réalité, la filière compost est plus complexe, puisque les déchets organiques, selon leur nature, n’ont pas moins de quatre filières de revalorisation !
L’école dispose tout d’abord de trois bacs à compost à côté du potager : essentiellement destinés aux déchets verts, ils permettent de transformer en humus les résidus de tailles, désherbages et autres travaux d’entretien du potager. Ils servent aussi à recueillir les restes de certains goûters, comme les trognons de pommes, que chaque classe collecte dans un seau. Porter et vider le seau dans le compost constitue un métier à part entière chez les enfants, le métier de Petit Écolo ! Les trois bacs permettent de fonctionner en rotation, et de laisser deux bacs se décomposer tandis
que le troisième reçoit les déchets du moment.
Un autre bac à compost, situé sur l’avant de l’école, sert aux restes de repas, et en premier lieu, les restes de l’école, que les serveurs et serveuses y déposent. Il permet également aux parents ne disposant pas de compost et souhaitant ramener leurs
résidus compostables de le faire. N’hésitez pas si vous n’avez pas franchit le pas, l’école peut même vous fournir le seau !
Il ne faut pas oublier les pensionnaires à demeure de l’école, la lapine Beurre-Salée et sa nouvelle amie Noisette, qui ont droit à leur ration quotidienne d’épluchures : pour une caisse de choux fleurs transformés en entrée, une partie des fanes leur reviendra.
Enfin, Marie-Thé et Nadine prennent en charge certains déchets organiques afin de les ramener chez elles pour nourrir leurs poules. Bientôt, il y aura même des poules à l’école !
Ainsi, le cycle est complet, et lorsque le compost est mûr, il vient enrichir la terre, permettant aux petits jardiniers de l’école de faire pousser et d’admirer fruits, légumes et fleurs qu’ils auront eux-mêmes plantés !
Les métiers des enfants
À l’école du Chapoly les enfants ont des métiers : chacun à son niveau participe à la vie collective, en particulier durant le temps de midi. Petit tour d’horizon !
Le midi, lors de la préparation du repas, Marie-Thé s’entoure de trois enfants : un cuisinier et deux chasseurs d’assiettes. Si le cuisinier aide à la préparation des repas, il a aussi pour rôle de guider les chasseurs d’assiettes pour la mise en place de la table. Ceux-ci viennent de deux classes de niveaux différents, afin que les plus grands aident les plus petits dans cette tâche pas toujours facile.
Le·la cuisinier·e quant à lui·elle porte combinaison et coiffe, et ce n’est qu’après s’être soigneusement lavé les mains et avoir compris les consignes de sécurité qu’il pourra mettre la main à la pâte. A l’issue de ce temps de cuisine, une grille d’autoévaluation lui permet de se rendre compte de ce qu’il a su faire ou de ce qu’il connaît, en fonction de leur classe. Si les plus jeunes essaient de retrouver le nom de trois légumes, les plus grands vérifient s’ils ont bien appliqué les règles d’utilisation de certains équipements. A l’issue, ils laissent également une trace dans le cahier de cuisine de sa classe, sous des formes variées selon son âge et les années : restitution dictée à un adulte, rédaction d’une suite logique des actions réalisées durant la matinée, réalisation d’une bande dessinée, voire même poésie selon les projets de la classe et de l’année !
Durant le temps de repas, à chaque table, des enfants sont nommés responsables de certaines tâches : pour les plus jeunes (jusqu’en grande section), on trouve un porteur d’eau, un videur et un balayeur dans chaque groupe. Pour le 2ème service, un serveur prend en charge l’ensemble de ces responsabilités, ainsi que le service aux convives de sa table, et le débarrassage, pour sa table. Il y a aussi des porteurs de silence pour réguler le bruit en salle à manger.
D’autres métiers moins en relation avec le temps du midi sont attitrés à tour de rôle aux enfants : ravitailleurs (pour distribuer les goûters), tartineurs (pour préparer les goûters), facteurs (pour transporter les feuilles d’appel jusqu’en salle à manger ou des messages), soigneurs (pour apporter les restes du repas aux animaux). Voilà qui permet à chacun de se sentir concerné et de participer au bon fonctionnement de l’école.
Les menus
Le temps du repas à l’école du Chapoly est un temps à part entière. Avant que les enfants ne puissent profiter de leur assiette, l’organisation des menus fait l’objet d’une réflexion constante menée par Marie-Thé.
En premier lieu, les menus sont élaborés en fonction des saisons. Le principal fournisseur de primeurs et de produits secs (tels que pâtes, céréales, etc.) est une plateforme bio (Bio a pro) pour collectivités sourçant localement ses fournisseurs. Ainsi les légumes et fruits frais proviennent d’exploitations de la région. Les commandes sont réalisées dix jours à l’avance. En contrepartie de cet approvisionnement frais et local, les produits en surplus chez les exploitants sont mis en avant par la plateforme afin d’être plus volontiers intégrés aux menus des services de restauration. Cela explique parfois l’abondance de certains légumes dans les menus !
Les autres denrées alimentaires (épicerie, surgelés, pâtisseries et goûters) proviennent de petites surfaces locales. Le pain, bio, est issu d’une boulangerie industrielle, une des rares acceptant de livrer ce qui représente une quantité minime de sa production : vingt baguettes par jour. Le pain est fait à partir de farine « bise » bio, mais sans levain naturel.
D’autres facteurs entrent en ligne de compte lors de l’élaboration, et en première ligne : le plaisir ! Plaisir du goût, avec des aliments appréciés des enfants, ou bien préparés en prenant en compte leur palais. Plaisir de la vue aussi en mariant les couleurs (par exemple des choux fleurs violets, des herbes aromatiques pour ajouter une touche de vert en plus de la saveur). Tout cela afin de rendre le temps du midi encore plus agréable.
Les goûters du matin et du soir diffèrent : le matin, il est axé uniquement sur des fruits : jus de pomme local, exceptionnellement jus d’orange, fruits de saison ou compote. Le soir, un en-cas plus consistant est proposé aux enfants, avec toujours plusieurs options. En fonction du pain restant du midi, on trouvera des tartines de confiture ou une tranche avec du chocolat ou du fromage. Des bananes (bio, selon la saison) sont proposées.
Bien sûr, tout cela fait l’objet d’une traçabilité méticuleuse avec, comme l’exige la réglementation, conservation d’échantillons. Ainsi, la boucle est bouclée, depuis l’élaboration du menu jusqu’aux prélèvements de repas conservés au frais, pendant 7 jours, par sécurité (normes HACCP).
Au revoir et merci Marie-Thé
Les enfants du Chapoly garderont un souvenir tout particulier de leurs repas et de leurs activités autour de celui-ci cette année.
En effet, Marie-Thé, qui a accompagné des centaines d’enfants, part à la retraite. C’est avec beaucoup d’émotions qu’enfants, parents et équipe pédagogique lui disent au revoir. Ce ne sera pas pareil sans Marie-Thé, mais toutes les démarches, les projets et surtout l’esprit de partage qu’elle a insufflés perdureront au Chapoly pour le bonheur des enfants.